Kalki Yoga Association Histoire Ramana Maharshi, le « libéré vivant »

Ramana Maharshi, le « libéré vivant »

Ramana Maharshi (1879-1950) est un Guru (au sens indien du terme)  incontesté du XXème siècle. Ramana Maharshi était un « libéré vivant ». Il serait parvenu à s’affranchir de la souffrance par un dévoilement de l’Être profond qui réside en chacun de nous, l’Atman ou Soi, identique au brahman, l’Absolu. L’ego est une illusion d’optique qui nous pousse à penser que nous sommes différents des autres ou de Dieu. Débarrassé de cette illusion tout n’est qu’ « Un ».

Je vous conseille la lecture du livre d’Ysé Tardan Masquelier, « Ramana Maharshi, le libéré vivant ». Cette spécialiste du sanskrit et des philosophies indiennes apporte un magnifique éclairage sur ce guru que de nombreux hindous considéraient et considèrent encore comme un saint. Ramana Maharshi vient de l’Inde du Sud, il est né en 1879 dans un monde de castes, lui-même venant d’une caste moyenne. Ramana Maharshi  aura trois chocs successifs.

Le premier quand un membre de sa famille lui parle de la montagne sacrée Arunachala dont Nandi, le premier adorateur de Shiva , a dit :  « C’est là le lieu saint ! De tous les lieux , Arunachala est le plus sacré ! C’est le coeur du monde ! Connais le comme le secret et le centre sacré du coeur de Shiva ! En ce lieu en effet Shiva demeure toujours en tant que le glorieux mont Aruna ! » 

Le second quand vers 15 ans, il va lire un ouvrage qui correspond à ce qu’est chez nous la « légende dorée » et qui raconte les vies historiques des grands saints Tamuls. Il s’inscrit d’entrée dans une histoire prestigieuse qui dépasse la dimension locale de ses apprentissages.

Le troisième avec son expérience consciente de la mort. A seize ans, l’adolescent futur Ramana Maharshi fut saisi par l’angoisse de la mort. « Il s’allongea à même le sol : Qu’est-ce qui se passe quand on est mort ? Le corps meurt, les pensées aussi… Que reste-t-il, enfin ? Grâce à une concentration intense dont il dira qu’elle dura plusieurs heures sur cette question totalement vitale : Qu’est-ce que la mort ?, il connaitra tout à coup l’illumination qui changera totalement sa vie. »

Son expérience de la mort lui fait dire qu’il est à la fois mort et vivant. C’est là qu’il prend conscience du « je ». Ainsi « je » est quelque chose qui transcende le corps. Mais il n’y pas de dualisme, il n’y a pas d’un coté l’esprit et d’un coté le corps. Il faut entendre le corps et tout ce qui l’habite comme dimension émotionnelle et affective. C’est en d’autres termes la dimension psychosomatique de l’être humain. L’esprit n’est pas non plus le mental, on atteint le Soi au delà de l’ego dont on est délivré. Par « libéré vivant », on entend que l’expérience est libératrice. Ramana Maharshi serait arrivé au bout de la chaine de ses renaissances et il n’avait plus à être réincarné. Il aura ainsi consacré sa dernière vie en tant que Saint au partage de la Connaissance. On est tout à fait dans le Bhakti.

Son expérience de la mort le conduisit à dire : « La crainte de la mort avait disparu, et pour toujours. L’absorption dans le « moi » se poursuivit sans interruption. D’autres pensées passaient et disparaissaient, pareilles à diverses notes de musique, mais le « moi » demeurait comme la note fondamentale, sous-jacente à toutes les autres notes, et se confondant avec elles. » Tout être vivant aspire à un bonheur jamais troublé par la souffrance et chacun éprouve le plus grand bonheur pour lui-même. Qui suis-je ? Je ne suis pas ce corps ( ses organes, ses sens), ni l’état pensant.

Le Monde disparaitra quand le mental , cause de toutes les perceptions et actions sera au repos. En dehors des pensées il n’y a pas de mental, pas d’entité indépendante appelée « Monde ». La pensée constitue la nature du mental. Dans le sommeil profond il n’y a ni pensée ni Monde. Dans les situation de veille, les pensées ainsi que le Monde sont présents. Le mental projette le monde au dehors de lui-même, et le résorbe en lui même. Lorsque le Soi, l’Atman apparait le Monde disparait. Ramana Maharshi a vécu dans le silence durant des années comme un ascétique ancré dans des ashrams successifs sur  Arunachala, le lieu sacré. Il y restera dans un état de méditation permanente et fut visité par d’innombrables disciples qui venaient chercher son enseignement.

Il fut au carrefour de la tradition de la Sagesse, le Vendanta et de la dévotion à Shiva. Il avait  en effet beaucoup de dévotion pour Shiva. La sagesse, la libération par la connaissance ultime mais aussi le rapport au divin qui participe de la libération. Ysé Tardan Masquelier l’explique très bien : « La dévotion en sanskrit c’est le Bhakti, qui veut dire partage, « avoir part à » . La divinité donne sa grâce, et les êtres par cette grâce, ont part à la divinité. »

Dans l’hindouisme on est dans un polythéisme et en même temps dans un hénothéisme. C’est à dire qu’au delà de tous les Dieux, il y a « Un Divin », ou une dimension divine qu’on appelle Brahman et qui est la même chose que le Soi (Atman). Le libéré vivant vit cet état spontané d’adéquation totale à son propre soi, au soi vivant en lui alors il est  aussi le brahman, la dimension divine présente dans tous les dieux et c’est comme ça qu’il communique avec Shiva, l’unicité retrouvée. La libération c’est la découverte qu’il n’y plus d’altérité, Tout est Un.

Ramana Maharshi avait peu lu l’exégèse des textes et il a peu écrit car il considérait que ce qui était bien écrit n’avait pas besoin de l’être de nouveau. Il a transmis son enseignement oral à des disciples anglophones, tamouls ou indiens. De nombreux disciples sont allés le voir dans son ashram et continuent encore de s’y rendre. Le but de tout chemin spirituel est d’avoir accès à ce qui est déjà présent, puisque tout est déjà là, il n’y a rien à chercher. Le travail de l’ascèse et du détachement permet d’atteindre la connaissance du Soi, l’Atman au delà du Moi, au delà du « Je ». Ysé Tardan Masquelier explique encore très bien la pensée de Ramana Maharshi : « J’existe face à des autres et je suis relié à eux car eux comme moi sont des Soi incarnés. Eux comme moi participent de cette unité. Eux comme moi nous faisons tous « Un » par cette dimension profonde qu’est le Soi. »

Le travail individuel que le sage fait pour se libérer est un travail qu’il fait pour lui même autant que pour les autres. Et l’Amour au sens Vedenta du terme se situe là. On attribuait d’ailleurs à Ramana Maharshi cet amour qui selon la légende, se lisait littéralement dans son regard.

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